Votre groupe a ouvert un chantier dit de « reverse factoring », dans quel objectif ?
L’objectif de ce projet lancé il y a plus d’un an a en fait évolué avec le temps. Plutôt que de mettre en place un reverse factoring standard, l’idée de base est d’adopter une démarche RSE à l’égard de nos fournisseurs, dans un contexte de prix du lait très déprimé et de difficultés de financement, souvent, pour les producteurs de lait. Nous avons donc envisagé de leur proposer de les payer plus tôt. La démarche n’était pas d’allonger nos délais de paiement au détriment des fournisseurs, d’autant que nous voulions en même temps utiliser notre cash disponible. Or celui-ci a depuis été utilisé avec l’acquisition de Materne Montblanc (850 millions d’euros). Le projet reste d’actualité toutefois et nous sommes prêts à dégrader légèrement le BFR du groupe sachant que payer par avance nos fournisseurs représente un placement optimal, fondé sur notre connaissance du risque de contrepartie et rémunéré par un escompte, et sur le constat qu’il est de plus en plus difficile de placer son cash à des taux positifs.
Où en est le projet ?
Compte-tenu du contexte délicat des producteurs de lait, et de la complexité du projet avec des fournisseurs ayant déjà des délais très courts nous avons décidé de surseoir pour l’instant à la mise en place du projet à leur égard. Nous allons l’orienter vers nos autres fournisseurs, qui sont payés à 60 jours ou plus. Et une solution multi-pays nécessiterait de prendre en compte les contraintes réglementaires variables selon les pays, le périmètre sera limité à la France pour commencer. Nous sommes en train de tester la volonté de certains fournisseurs à utiliser notre solution et à partir des résultats, nous verrons si les volumes justifient un montage et l’intervention d’un financier extérieur. D’ores et déjà, nous constatons que le projet est très structurant : il implique les services achat, comptable, informatique et demande une vraie conduite du changement. Les sujets qu’il aborde sont ceux qui sont délaissés d’ordinaire, comme l’optimisation de la comptabilité fournisseurs, la rationalisation des campagnes de paiement etc…avec des gains de productivité à la clé. Nous tablons au minimum pour commencer sur une centaine de fournisseurs et sur un encours d’au moins 10 millions d’euros de factures payables à 60 jours, auquel cas le montage serait amorti en un an tout mettant nos liquidités au service de l’économie. A terme, les encours peuvent être beaucoup plus élevés.
Ferez-vous appel à des banques ?
Nous sommes dubitatifs sur les offres de reverse factoring des factors/banques car celles-ci s’intéressent surtout aux gros fournisseurs, les problématiques de KYC ayant tendance à les rendre sélectives. En outre, leurs solutions ne sont pas neutres pour les fournisseurs et apparaissent souvent comme de l’affacturage dans les statistiques de la Banque de France. Enfin, leur intervention recouvre des coûts cachés éventuels. Nous sollicitons plutôt des Fintechs, comme Corporate LinX qui ont une expertise et des produits plus aboutis, et pour le financement du programme peuvent associer via des Fonds Communs de Titrisation (FCT), des investisseurs de moyen et long terme.
Benoît Rousseau, directeur du financement et de la trésorerie de Fromageries Bel.